Pourquoi j'aime Clair de Lune
Sam 19 juin 2004
C'est avec une grande émotion que j'ai vu sur le magazine télé de chez mes parents la programmation de deux épisodes de Clair de Lune. C'est prévu pour le mercredi 30 juin, à 23:40 ou 23:25, sur France3, en fonction d'une équation alambiquée dépendant de la qualification de l'Equipe de France, du coefficient de marée et du taux d'audience des émissions du mardi matin entre 7:02 et 7:08.
Enfin, j'm'en fiche, ce mercredi-là, qu'il pleuve ou qu'il neige, je serai devant mon petit écran, j'aurai branché le scope, éteint mon mobile et fermé tout autre moyen de communication (Yahoo! ou MSN, GO HOME !!!).
Deux épisodes. Le Portrait de Maddie et Drôles de numéros. Ça fait si longtemps que j'attends ça...
Merveille télévisuelle des années 80 ! Pur OVNI scénaristique, Clair de Lune n'est pas seulement "la-série-qui-a-fait-découvrir-Bruce-Willis". C'est un mélange détonnant du "choc des contraires", de la poésie, de l'absurde, de l'anachronisme, de la romance, des enfantillages faciles et de la gravité des temps modernes.
David Addison (Bruce Willis) est un branleur décontracté.
Maddie Hayes (Cybill Shepherd) est une bourgeoise colérique.
Comment imaginer autre chose qu'une tralée de dialogues de sourds à mourir de rire, de débats sans fin sur l'utilité d'une table de billard dans les bureaux, de désaccords en cascade sur la culpabilité d'un homme (ou d'une femme) dans leurs enquêtes ?
Un lieu génialement trouvé pour ces disputes : La voiture. Le décor classique. Le bonheur du dialogue, non pas face à face, mais côte à côte.
David adore faire enrager Maddie. C'est quasiment sa raison d'être. Et on les attend, leurs bastons. Pur bonheur de les écouter parler sans s'arrêter, en même temps ; régal d'essayer de comprendre ce que l'un dit à l'autre ; et à la fin, ils partent chacun dans leur bureau, en claquant la porte (plus elle fait du bruit, plus c'est beau).
Mais Clair de Lune, ce sont aussi des personnages secondaires sans précédent (et je ne pense pas en avoir revu d'autres depuis) : Agnès Dopisto (la standardiste qui répond au téléphone en vers), les employés de l'Agence, qui agissent comme un choeur antique, dans le décor, mais présent pour assister comme des téléspectateurs lambda au "show" Maddie / David.
Des invités, aussi : Orson Welles (oui, oui), Amanda Plummer, Ray Charles (dans un rêve de David), Whoopi Goldberg et j'en passe...
Mais il y a quelque chose qu'on ne pourra jamais retirer à cette série, c'est son inventivité. Un épisode en noir et blanc, dans les années 40-50, et double, puisque l'histoire est vue sous deux angles différents, un épisode parodique de Shakespeare (Bruce Willis chevauche un cheval qui porte les mêmes lunettes de soleil que les siennes), des courses-poursuites à bord de panières à linge, une Maddie en pâte à modeler qui dialogue avec David, Ray Charles qui chante "Hit the road, Dave" au milieu du salon d'Addison, une bataille de tartes à la crême dans une réception à l'Ambassade, une parodie de "Jailhouse Rock" quand David est au bagne...
Sans compter les références à la "vie réelle" (les acteurs lisant le scénario, pour savoir ce qui va se passer), les clins d'yeux (ne jamais rater ni la fin, ni le début des épisodes, on trouve parfois de bonnes surprises). J'aime aussi quand David et Maddie attendent patiemment la "musique" pour commencer une poursuite.
J'en oublie, j'en oublie, j'en oublie.
Loufoque, parfois, mais grave, également. On retrouve des "vraies"enquêtes autour de cette marée d'absurdités. N'oublions pas que Clair de Lune est une vraie série policière, suprenante dans la forme comme dans le fond des intrigues.
Et puis, la romance. Oui, c'est couru d'avance, on le sait dès le départ que ces deux-là sont destinés à vivre quelque chose de plus qu'une simple entente professionnelle...
Quand la série passait, jadis, le dimanche après-midi, il aurait pu tomber une bombe sur la maison que je n'aurai pas pu me détacher de ma télé. Je savais (j'espérais) qu'un jour un programmateur se pencherait sur son catalogue avec un oeil nostalgique et se dirait : "tiens... ça fait longtemps qu'on l'a pas vue, cette série... Elle tient la route, encore ?"
Moi qui hais plus que tout la nostalgie, me voilà comblé par celle du programmateur de France 3. Mais je m'en tape. Je veux entendre ce générique (même s'il est trop mielleux (et trop long) à mon goût), je veux revoir cette ouverture de porte d'ascenceur sur une paire de chaussures blanches, je veux entendre la voix d'Agnès qui déclame ses vers de mirlitonne...
J'aurais encore pu taper des pages et des pages sur tout ça. Mais si tu as eu le courage de me lire jusqu'au bout, le moins que tu puisses faire, c'est de me laisser encore un peu nostalgir (néologisme ? barabarisme ? m'en fous) et de comprendre que, malgré les années, je suis encore marqué par cette série, et que ma voix tremble en reparlant du dernier épisode.
Ah, au fait. Si un éditeur de DVD pouvait avoir la géniale idée de ressortir l'intégralité des épisodes, qu'il sache que je serai son premier client.