Deux Mille Cinq
Lun 03 janvier 2005
En l'an 2003, le mot d'ordre était "oublier". Oublier 2002 et toutes
ses mauvaises nouvelles.
En 2004, c'était "se positionner" (enfin, je crois. Ca devait être
marqué dans le défunt forum de REH, mais les archives ont disparu).
Deux Mille Quatre fut l'année de mes trente ans. Elle fut plutôt mouvementée. Tantôt dans le bon, tantôt dans le moins bon. Parfois, en ligne droite, parfois en zig-zags. Mais quel que soit le moment que je pointe dans mon calendrier mental, je suis en mouvement.
L'inconvénient de ce mouvement perpétuel, c'est qu'il m'a quasiment renvoyé au même endroit qu'en début d'année dernière. La révolution sans révolution. Une révolution, par étymologie, c'est un tour complet, 360° autour du soleil et retour à la case départ.
C'est étrange comme on peut avancer sur place, comme on peut se donner l'illusion d'avoir progressé en douze mois.
- J'ai ouvert un site (il va disparaître doucement, au fait, par une lente asphyxie), puis un blog (il va bien, merci).
- Je me suis mis aux Quads, c'est vrai. Grand mouvement. J'en connais qui n'en sont toujours pas revenu(e)s.
- J'ai eu un boulot, puis pas.
- J'ai voyagé. Je sais, l'île de Ré, c'est pas ce qu'on peut appeler un voyage exceptionnel, mais je me rends compte que c'est le premier que j'effectue depuis au moins une dizaine d'années.
- Je me suis remis à laisser pousser mes cheveux. Ca peut paraître insignifiant, encore, mais la longueur de ma tignasse relève d'une longue histoire avec moi-même.
- J'ai fêté (deux fois) ma troisième décennie avec encore plus d'affection que tous mes autres anniversaires réunis.
- Je suis passé à Linux. Fruit d'un lent processus, en passant de Mozilla à Firebird, de Yahoo!Messenger à Gaim, de WinXP à Ubuntu/Linux. Un bris de chaîne, un léger sentiment de liberté retrouvée.
- Depuis Octobre, je travaille à mi-temps. Depuis Novembre, c'est un CDI. On espère le passer en temps plein. Bientôt ?
Et j'ai pris des claques. Une. Deux. Trois. Mille. Des coups au ventre, de violents accès de fièvre, des gerçures. Toujours aussi douloureux. Toujours aussi dur que de prendre en pleine face toutes ces épreuves, d'essayer de s'appuyer sur ses amis pour chercher du soutien, et se rendre compte que malgré toute leur bonne volonté, ils ne peuvent rien pour moi. Que ces douleurs sont indicibles, que ces désespoirs ne supportent pas le voyage d'un être à l'autre. Et la fin d'année, même si elle apparaît anodinement banale pour certains, même si à tes yeux elle ressemble à toutes les autres fins d'années, elle peut devenir une énorme machine à broyer, un pressoir implacable.
Mais malgré tous ces grands mouvements, le balancier est revenu, presque à la même place. Tout ça parce que, j'en ai bien peur, je n'ai rien construit de concret.
C'est ce qui me manque le plus, dans l'existence. Au moment de mon
anniversaire, j'ai beaucoup discuté de ce fameux "cap de la trentaine"
avec des amis. Ca revenait souvent, ce manque. Le changement de dizaine,
j'vais te dire, j'en ai jamais rien eu à talquer... mais en refaisant le
point sur les 10 dernières années, je me suis rendu compte à quel point
toutes mes actions ont été vite effacées, éphémères, volatiles. Des
contrats à durée déterminée... ou à durée indéterminée qui s'arrêtent
peu après. Pas de copine. Pas d'enfant, pas de maison "à moi". L'appart
a toujours l'air "juste installé", comme si j'avais jamais pris le temps
de ranger quelque chose, comme si je me contentais de cet état
"temporaire". Un temporaire qui va bientôt atteindre cinq ans (en
mars).
Qu'est-ce que je laisse derrière moi ? Rien, ou presque. Des souvenirs,
des textes épars, des programmes à terminer, des livres à lire. Y'a bien
eu des moments, de bons moments. Mais rien n'est plus impalpable que le
temps.
C'est rageant de ne pas pouvoir "attraper" son existence, comme on
saisirait un objet. Tout ceci manque de concret, de solide.
Curieusement, entre copains, on s'est de plus en plus mis à parler sérieusement de s'installer, acheter, investir, se poser, se caser. Certaines de mes connaissances ont déjà franchi le pas, d'ailleurs, accédant à la propriété. Je crois que le moment pour moi est arrivé. Si j'avais su, je l'aurai fait plus tôt, mais on ne réécrit pas son passé.
Ouais. "Construire".
Voilà le mot de 2005.