Les standards ouverts, les logiciels libres et l'administration

Ven 04 février 2005

[via Tristan Nitot - et pas qu'un peu]
On ressent de grandes perturbations dans la Force en ce moment.
De plus en plus d'acteurs de la fonction publique et des administrations évoquent les logiciels libres et les formats ouverts dans leurs systèmes informatiques.

Politiques

Si je me souviens bien, ça avait commencé par une légère allusion de notre premier Sinistre il y a quelques mois. Plus de cent millions d'euros à économiser sur les licences ! Pour un gouvernement qui tente de réduire les dépenses publiques, c'est du pain bénit !

Bon, à l'époque, j'avais un peu gueulé sur le fait que les politiciens ne mettent que l'accent sur le côté pécunier de la chose, occultant complètement le versant "liberté" du logiciel libre.

Là-dessus, on peut déjà se demander comment un gouvernement guidé par le MEDEF peut avoir des atomes crochus avec les "Communistes" stigmatisés par Bill Gates. L'acoquinage entre la droite politique et les grandes entreprises (dans tous les domaines) me paraît déjà peu compatible avec l'esprit "gratuit et libre" des programmeurs de logiciels open-source ; ceux-là même qui luttent contre les brevets logiciels.
Sans vouloir faire du manichéisme facile, on comprend que les intérêts des grands groupes informatiques résident dans les brevets logiciels, puisqu'ils seront les seuls à pouvoir se payer les armées d'avocats et de spécialistes en propriété intellectuelle pour :

  1. Déposer les brevets sur tout, à tour de bras, du double-clic au procédé de mise à jour d'un logiciel par téléchargement sur internet
  2. attaquer en justice tous azimuth les PME qui auraient enfreint un de leurs brevets

La conséquence de tout ça étant au moins à terme la mort des petites boîtes, pour garder deux ou trois géants détenant l'intégralité du savoir humain sur l'informatique.
Quand aux développeurs du libre, n'ayant aucun moyen financier important, ils ne pourront pas non plus échapper à l'accusation d'utilisation frauduleuse des brevets logiciels, et tous ces développements cesseront, de peur de se trouver en prison pour avoir recodé le clic-droit.

D'un côté, les industriels, qui sont pour les brevets, pour la mainmise sur les disques durs des méchants pirates, contre le logiciel libre, puisqu'il constitue un manque à gagner terrible sur leurs chiffres de vente ; et une concurrence sur laquelle leur marketing ne peut rien.
De l'autre, des libertaires / baba-cool, du genre RMS, des anticonformistes primaires ou réfractaires de base, crachant sur les DRM et les logiciels propriétaires.
Même sans avoir une conscience politique extrêmement pointue, on devine rapidement de quel côté l'homme politique de droite va pencher. Et à gauche, je présume qu'il en est quasiment de même, malheureusement.

La tactique du gendarme

Dernièrement, on a assisté à une micro-bombe chez nos amis de la Grande Muette : La Gendarmerie Nationale a annoncé leur passage à OpenOffice. Ouais ouais... l'armée...[1]
OpenOffice n'est pas seulement une suite office sous licence GPL, c'est également une suite bureautique qui met l'accent sur les formats ouverts. Les formats de fichier utilisés par OOo sont basés sur un formalisme XML tout ce qu'il y a de public, complètement lisible, même par un neuneu, qui verra bien que le contenu de son fichier n'est pas crypto-caché dans un format propriétaire[2].

Quel(s) avantage(s) à tout ça ?

Lors du salon Linux Solutions, une intervention de l'ADAE lève le voile sur ce très bon plan.
En résumé :

  • Vingt millions d'euros (chblam, ça de moins sur tes impôts) d'économisés sur l'achat des licences. Au passage, on apprend que Microsoft fait payer 80 EUR la licence à la Gendarmerie Nationale, alors que la même suite Office coûte aux alentours de 310 EUR pour sa version "light" *cough cough* et 700 EUR pour la version 2003 Professionnal.
  • Le format d'échange basé sur XML assure la pérennité des documents. N'importe quel langage de programmation est capable d'ouvrir, parser (analyser) et traiter un document XML. Si OpenOffice disparaît un jour, ses documents seront toujours exploitables par un nouveau logiciel qui prendra la relève. On peut pas en dire autant pour M\$.
  • Indépendance de la plateforme. Si un jour la Gendarmerie change de plateforme (Mac ? Linux ? Solaris ? BSD ? peu importe, on peut rêver...), elle ne perd pas ses documents, ni son temps à transférer d'une plateforme à l'autre. Les documents OpenOffice sont parfaitement compatibles avec eux-mêmes, quel que soit le système d'exploitation.

Si on regarde un peu plus loin, l'ADAE pousse largement en faveur des Logiciels Libres dans l'ensemble de l'administration.

Bon... Alors... Effet d'annonce pour pousser les industriels à revoir leurs prix à la baisse ? Ou vraie volonté politique de changer franchement de stratégie ?
Il y a quelques mois de ça, j'aurai dit : "Tu bluffes Marconi". La complicité entre les grandes compagnies et la droite étant trop ténue pour que j'y croie.
Mais l'intervention de l'ADAE au salon Solutions Linux me fait légèrement infléchir de l'autre côté. Je ne pense pas que cette Agence lance ces paroles en l'air ; et les arguments en faveur du logiciel libre et des formats ouverts tiennent vraiment la route.
Et pour tout dire, je serai vraiment rassuré de savoir que mes informations personnelles au niveau fiscal, médico-social ou autre se trouvent être gérés par des machines tournant sous Linux ou BSD, sécurisées par des systèmes à l'épreuve des balles.


Notes :
[1] Profites-en donc pour chanter avec moi : "Gendarme de la gendarmerie, je suis / Gendarme dans la gendarmerie-iiiiie / J'utilise Open office-euh / J'aime les formats ouverts-euh. (ajout : 16:22)
[2] Pour s'en persuader, il suffit de quelques toutes petites opérations simples.
a) concevoir un document sous openoffice, l'enregistrer au format par défaut. Le renommer pour changer son extension en ".zip". Par exemple, document.sxw devient document.zip.
b) dézipper le document à l'aide de n'importe quelle application de décompression. On constate que le répertoire créé contient plusieurs fichiers. Ouvrir le fichier "content.xml" dans un éditeur de texte quelconque (du genre notepad). Le contenu textuel et là, en toutes lettres, encapsulé dans quelques balises XML, certes, mais parfaitement lisible.
c) essayer d'ouvrir un document Word ou Excel avec le même éditeur de texte et constater la différence.