EUROOSCON - Jour 2
Mer 19 octobre 2005
Eurooscon - jour 2
Je sors de l'Hôtel, muni de ma petite sacoche et de mon PC portable
chargé à bloc pour pouvoir faire le compte-rendu en direct live des
"Keynotes" du matin. C'est que je suis le reporter exclusif pour
#lugradio, le canal IRC de la communauté. Ben oui, c'est grâce à cette
communauté que je suis à Amsterdam, c'est normal que je rende compte de
mes faits et gestes.
Petit déjeuner sur le pouce (petits gâteaux et double café), puis c'est
l'heure de la première intervention, dans la grande salle de conférence.
Le premier à intervenir est Tim O'Reilly soi-même, pour son fameux
"O'Reilly Radar".
Rien de bien exceptionnel, si ce n'est que je comprends un peu mieux ce
que signifierait "Web 2.0" dans l'esprit d'un de ses principaux
promoteurs. Le fait d'aggréger des informations et des données de
services différents, c'est "Web 2.0". Par exemple, le mash-up de Google
Maps et de
Craiglist permet de localiser physiquement
des petites annonces. Tout ceci n'est possible bien sûr que parce que
les API de Google et Craiglist sont ouvertes, documentées et accessibles
à tous.
Le radar de Tim O'Reilly voit aussi Firefox (hein ? C'est quoi la
nouveauté, là ?...), Ruby on Rails (depuis le temps que j'en entends
parler, il faudrait vraiment que je m'y mette).
Au menu aussi, il y a le projet "Orange",
par l'équipe de Blender. C'est un film d'animation en 3D, réalisé sous
Blender, et qui sera distribué sous licence Creative Commons. Déjà,
c'est assez brillant comme idée, mais en plus, tous les personnages,
leur modélisation, les textures, les décors sont également sous licence
CC, ce qui fait que n'importe qui, en conservant les termes de la
licence peut utiliser leurs personnages pour en faire ce qu'ils veulent,
et réaliser un autre film d'animation, etc. Le studio est basé à
Amsterdam, et on peut pré-commander le DVD afin de financer le projet.
Le deuxième intervenant est Simon Phipps, directeur du département Open Source de chez Sun. J'ai pris pas mal de notes, mais l'essentiel est dans une seule citation :
"Rhetorically, the amazon is one river"
Practically, it's many. Amazon is not a river, it's a concept.
Traduction possible :
"Théoriquement, l'Amazone n'est qu'une seule rivière". En pratique, ce sont plusieurs. L'Amazone n'est pas une rivière, c'est un concept.
Pour les logiciels libres, la métaphore est excellente. On voit bien
l'ensemble des petites contributions alimenter le gros fleuve pour
finalement toucher au but, le long des côtes. Et quand on sait que
l'Amazone forme un delta, ça correspond aussi à la réalité, considérant
la possibilité de faire des "forks" de logiciels ou de distributions.
Phipps voit tout de même trois freins à cette progression : la
multiplicité des licences, une mauvaise coordination des communautés et
le manque d'ouverture vers les contributeurs. Je ne suis pas tout à fait
d'accord avec ce dernier point, étant donné que tout le monde ne peut
pas ajouter sa contribution en C dans le noyau, il y a tout de même une
foule de domaines dans lesquels on peut aider, même de manière minime.
J'y reviendrai certainement, même si Ploum a déjà évoqué le
sujet.
Le suivant est le plus attendu de ma part : Jeff Waugh. Il tente donc de
répondre à l'assertion d'Asa : "Linux n'est pas prêt pour le desktop".
Si Jeff admet que le point faible pour le moment est la migration d'un
système à un autre (et la conservation des données, mails,
documents,...), pour le reste, on peut dire que sa démonstration est
extrêmement cohérente.
Du point de vue de la stabilité, il me semble que les systèmes du type
GNOME et consors sont extrêmement stables, même si l'intégration de
nouveaux matériels peut parfois les mettre en "danger".
Pour ce qui est de la simplicité, évidemment, on s'attaque à un domaine
de prédilection de Waugh et d'Ubuntu. La liberté des logiciels libres
n'est pas réservée aux Geeks. Même si ce sont des gens extrêmement au
courant des tenants et des aboutissants des logiciels libres qui les
utilisent en priorité, il faut être persuadé que tout un chacun doit
pouvoir bénéficier de cette liberté.
Le point essentiel de la démonstration vient ensuite : La Simplicité.
Chez GNOME, on a édicté les HIG, les Human Interface Guidelines. Ces
guides de programmation sont des recommandations à destination des
développeurs d'interfaces graphiques essentiellement, mais ces guides
couvrent bien d'autres domaines. Et Waugh fait le test : il affiche à
l'écran une boîte de dialogue "made in windows" dont le texte est
extrêmement confus, déroutant, mal fichu, effrayant, même "you risk to
loose all your data" ou dans le genre... bref. Trois paragraphes
imbittables, à la fin desquels on trouve une question à laquelle il faut
répondre par : Yes, No, Cancel. Déjà, ça peut faire sourire.
Puis il affiche une boîte "GNOME" qui pose à peu près le même style de
question (dans un jargon nettement moins alambiqué). Au bout de la
question : Close without saving, Cancel, Save. Oooooooh... C'est
magique... DES VERBES. Tout simplement. GNOME a choisi dans ses
Guidelines d'utiliser des verbes pour décrire les actions qui sont
associées aux boutons.
Mais c'est pas fini. Jeff nous explique : "Vous savez, nous, les geeks,
nous ne voyons pas les boîtes de dialogue de la même manière que les
"vrais gens". C'est pour ça que j'ai pris mes lunettes spéciales, pour
voir ce que voient les non-geeks quand on leur propose une boîte de
dialogue pareille." Et sur le frame suivant, tout le bla-blah
microsoftien est complètement flouté. Restent les trois boutons : "Yes,
No, Cancel". En effet, personne ne peut répondre à une question qu'il ne
comprend pas par "Yes, No, Cancel". Tandis que sur l'interface
GNOMienne, même si le texte est flouté, les boutons, eux, sont on ne
peut plus clairs : "Ne pas enregistrer", "Annuler", "Sauver".
Explosion générale et applaudissements.
"C'est la même chose quand ma femme me demande si je veux du café ou du
thé". Poursuit Waugh. Elle ne s'attend pas à ce qu'on lui réponde "Oui,
Non ou Annuler". Elle préfèrera "Du Café", "du Thé" ou "Rien, merci".
Le suivant est Alan Cox, le numéro 2 du noyau Linux. Une bonne présentation sur la sécurité des systèmes. Mais la présentation était intitulée "the next 50 years". Je n'y ai rien vu de visionnaire, tout ce qu'il décrivait concernait l'état présent, rien de plus. Les recommandations qu'il préconise sont appliquables dès aujourd'hui et pour certaines elles sont applicables depuis longtemps. Un léger hors-sujet, donc.
Dans le hall, un peu avant midi, j'ai pu attraper au vol Jeff Waugh pour lui parler de l'anniversaire de Treenaks et lui rappeler le rencard. Note : Il dit "Rock & Roll" toutes les dix secondes.
"Oh Hello, I'm Jeff. Oh? Lugradio, yeah Rock & roll. The birthday, right? Where is it? Rock & Roll! Well, see you, bye. Rock & Roll."
Puis, on est allés manger.
Le repas du midi est souvent l'occasion de rencontres intéressantes. Le
déjeuner est un buffet. Une fois que tu as ton assiette en main, tu
t'installes à une table, là où il y a de la place, à la base, et souvent
tu es rejoint par des gens à la recherche d'un endroit où poser leur
assiette. C'est comme ça que j'ai fait la connaissance d'une Française,
travaillant pour Astra et basée au Luxembourg, par exemple. Ca m'a fait
du bien de parler français, un peu, le temps du repas. Bien sûr, un
Allemand nous rejoint et zou ! on switche à l'Anglais, naturellement.
Puis c'est un autre Allemand, journaliste, et les deux Allemands se
mettent à discuter dans la langue de Goethe. Qu'à cela ne tienne ! Elise
et moi papotons le temps d'un café dans celle de Molière. Ouais. Un
Molière surgavé de nouvelles technologies, mais Molière quand même.
C'est avec une grande surprise que j'ai alors vu débarquer Jono, très très très en retard. Il m'a avoué que l'avion dans lequel il était supposé être a décollé sans lui (se réveiller à 3 heures du matin n'est pas une chose facile, surtout après une nuit blanche), et que l'avion suivant a eu deux heures et demie de retard.
Du coup, je suis allé, un peu au pif, à une conférence intitulée "The
Do-it-yourself Mindset". Le titre me plaisait, mais comme le descriptif
de la conférence n'était pas sur le programme officiel, ça m'a paru
sympa de tenter le drop. En fait, c'était un des principaux rédacteurs
de Make:Magazine qui présentait des hacks, des bricolages qu'on pouvait
faire avec des gadgets technologiques, du genre "iPod qui tourne sous
Linux" ou "Souris Microsoft transformée en robot", ou encore "Librie,
l'e-book de Sony, sans DRM à la con dedans" (en effet, les e-livres
qu'on télécharge sur cet e-book ont une durée de vie limitée dans le
temps. Imagine seulement que ton plus bel exemplaire des "Trois
Mousquetaires" s'autodétruise au bout de 30 jours).
Super intéressant. Même si ma totale incompétence au bricolage me fait
doucement pleurer intérieurement. Je ne ressentirai donc peut-être
jamais la joie d'avoir trifouillé moi-même un bidule électronique de mes
propres mains pour que mon grille-pain puisse jouer la version raggae de
"Tirelipimpon sur le Chiouaoua".
Je suis resté dans la même salle pour suivre la conférence de Sebastian Bergmann sur PHP 5. Intéressant également. J'ai un peu fait mumuse avec PHP5 pour voir "comment ça se passe" et l'interface Orientée Objet me paraît bien fichue et plutôt solide.
J'ai ensuite basculé sur la conférence de Linagora. Linagora est une
SSLL Française. Je me suis dit "chic, un produit français présenté à
EUROOSCON, c'est tout bon". Ben j'ai pas été déçu du voyage :
a) si la maîtrise de l'Anglais est le critère numéro 1 de la réussite
dans le business, alors je vais finir mulit-milliardaire. Leur Anglais
m'a parfois arraché une grimace de dégoût. Même s'ils s'en sont excusés
au début de la conf, mes oreilles se sont mises à saigner à chaque fois
que le mot "distribution" était écorché.
b) Intituler "Linagora Product" une conférence et ne présenter aucun
produit, j'appelle ça de la publicité mensongère. Je veux bien que les
sociétés sponsors puissent faire leur pub et leur opération marketing au
sein de la conférence, c'est normal, mais le discours "corporate" m'a un
peu agacé sur les bords.
Ceci n'enlève rien à leur sérieux, ceci dit. Je suis certain que leurs
solutions sont très bien faites, leur code parfaitement adapté à la
situation, qu'ils jouent le jeu de la redistribution de leur code, etc.
Mais c'est limite.
Apparemment, ils sont sur un très gros coup avec une grosse
administration. Ils n'ont pas voulu révéler son identité, ce que je
comprends aussi. Mais c'est à suivre. Le déploiement de solutions libres
concerne 80000 postes. Ouais. C'est pas rien.
Tadum ! Re-changement de salle pour aller sur le compte-rendu du
sondage concernant l'adoption des Logiciels Libres dans les
administrations Européennes. Extrêmement
intéressant et détaillé. Pour synthétiser, on peut dire qu'un des
facteurs principaux de la non-adoption des logiciels libres est la peur.
Et la peur vient de la mésinformation ou de la désinformation. Les
non-utilisateurs de logiciels libres, réagissent avec beaucoup de
circonspection par rapport aux LL, convaincus que leur coûts en
maintenance ou formation des utilisateurs et le manque de support
technique va les frapper. Alors que les utilisateurs "légers" (c'est à
dire qui ont déjà effectué des tests, ou qui l'utilisent
ponctuellement), ainsi que les utilisateurs informés (qui font fortement
appel aux solutions open-source) savent que les coûts ne sont pas
plus élevés (voire moins élevés) et que le support existe.
Un des paradoxes, est que les non-utilisateurs de solutions Open-Source
dépensent PLUS en maintenance que les utilisateurs de FLOSS.
Mais vient le plus intéressant... Depuis quelques semaines déjà, Jeff Waugh avait planifié son BadgerBadgerBadger Tour, et son crochet par EUROOSCON. Un des LugRadiens qui traîne ses guêtres sur IRC, Treenaks a trouvé que son anniversaire était une bonne occasion pour aller manger un bout et boire un coup avec les Ubuntiens/Lugradiens du coin.
A 18h, on s'est retrouvés, Jono, son chef à OpenAdvantage, Jeff,
Treenaks, Damian, un autre Hollandais et moi pour aller manger des
Pancakes non loin. J'ai pris "Jambon / Fromage / Champignons", et
c'était plutôt fameux. Tout ce petit monde est vraiment très sympa, et
bien marrant à souhaits. On discute de tout et de rien, sans se prendre
la tête. A un moment, j'ai crû quand même que Jeff allait s'endormir
dans son assiette. Complètement jetlagged, l'ami Ozzie. Du coup, on est
allés se payer une tralée de binouzes dans un pub sympa, où y'avait
plein de bières belges, hollandaises, etc...
J'ai des tophes de la soirée, mais je les mettrai en ligne plus tard.
Je me suis endormi devant la télé. Réveillé à 1h. Enlever les lentilles. Se désapper. Dormir.