EUROOSCON - Jour 4

Sam 22 octobre 2005

EUROOSCON - (H-7 avant Cory Doctorow)

Pour le coup, c'est pas une demi-heure de sommeil en plus que je m'accorde, mais trois bons quarts d'heure. De quoi avoir largement le temps de me préparer pour la dernière keynote de la Convention, par Damian Conway. Le titre c'est : "openTalk 2.0 - Maximizing Non-stakeholder Buy-in by Leveraging Depatented Generic Information protocols". Qu'on peut traduire (ou pas) par : "openTalk 2.0 - Maximisation de l'option d'achat par des non actionnaires par synergie des protocoles d'information générique débrevetés".

En lisant ce titre, on peut se poser plusieurs questions :

  • C'est quoi ce jargon de merde ?
  • C'est quoi l'année sur le calendrier ? 1998 ?
  • Qu'est-ce que ce bidule fout dans une convention Open-Source ?

Perso, après avoir vu la performance de Conway lundi dernier, je n'ai aucun doute. On va franchement bien se marrer.

Et je suis pas déçu du voyage
Déjà Conway est annoncé par le présentateur des sessions comme le "Monty Python de l'open source". Conway arrive, accompagné par une musique pompeuse genre Bernard Tapie au Palais des sports, costume deux pièces, lunettes de soleil genre "je suis une mouche restée bloquée au années 90"...
Il branche ses slides, jaunes et rouges, les titres sont dans des cadres façon "explosion". Le gars se présente avec forces illustrations hilarantes (genre "je suis un autralien" avec une bouteille de Fosters) et il annonce la création de sa start-up : cxap, qu'il prononce "crap" (merde). Cxap signifie : "Closed-content Xml Acquisition of Patents". C'est une société destinée à dégager des profits colossaux en revendant des technologies brevetées aux acteurs de l'Open-Source. Ces brevets sont, par exemple : "Technologie Permettant de Cliquer sur Un ou Plusieurs Boutons en Utilisant le Même Doigt". Hilarité générale.
Pour faciliter les échanges entre cxap et ses clients, chacun d'entre eux est identifié par un numéro, qui correspond TRES EXACTEMENT à son numéro de carte bleue, ce qui fait que chaque fois qu'une opération via cxap est effectuée, ce numéro est communiqué et le virement bancaire automatiquement enregistré.
Cxap vise également une grande campagne de marketing pour améliorer l'image de Microsoft auprès des nerds, qui, pour des raisons absolument incompréhensibles, détestent la firme de Redmond. Utilisant le slogan d'Apple "Think Different", mais en le modifiant suffisamment pour ne pas être attaqués en justice, il fonde alors le slogan : "Think Kitten" (pensez "petits chats"). Qu'y a-t-il de plus attendrissant que des petits chats ? Hein ? Le coeur de pierre des geeks ne peut pas être insensible à ces petits chats, pas vrai ? Aussi, tout le long de la présentation, à chaque fois que le nom de Microsoft ou d'un de ses produits (Explorer, Word) sera prononcé, en image subliminale, on verra apparaître un chaton ! Ce qui fera exploser de rire la foule, of course.
Cxap publie également un navigateur Web, destiné à concurrencer Explorer (chaton) et Mozilla Firefox et le nom de ce navigateur a été l'objet d'une longue étude : Firebadger, Firestuff, Firetruc, Firebidule... Tout ça pour arriver finalement à "FireWhedon", qui est aussi ridicule que les quinze autres précédents. C'est évidemment un "Navigateur 2.0".
Un autre produit est "Cxap Maps". Et contrairement aux autres cartes (Google ou Yahoo! maps), ces cartes se distinguent par le fait que ce sont des cartes dessinées à la main, comme si elles l'étaient pas un enfant de sept ans. On peut zoomer / dézoomer à l'envie jusqu'à voir une terre vue de l'espace.
En ce qui concerne la création de sites web, cxap n'est pas en reste, puisqu'ils ont conçu "Cxap on Rails", qui permet en une seule commande via la console de créer absolument n'importe quel type de site. En fait, il s'agit de donner un thème de site, une adresse de site dont on veut s'inspirer, et cxaponrails fait le reste :
$ cxaponrails -topic=pr0n -adapt=www.google.com
Et la démo (après trois virements bancaires) pond une page d'accueil à la Google qui recense les pages pornos qu'on trouve via Google.
Mais qui a besoin de Frontpage (chaton) ?
La technologie émergente n'est pas AJAX. Oh non. C'est HECTOR. Et dans la mythologie, Hector, il met une grosse raclée à Ajax. Hector, c'est en plus la puissance de COBOL, et la facilité d'utilisation de Tcl.
Le délire continue avec CxapOS, le système d'exploitation de Cxap. Ayant remarqué que la lettre "X" semblait jouer un rôle important dans les systèmes d'exploitation (Linux, Mac OSX, Unix, Solarix, Windoxs...), ils ont décidé de l'appeler CxapOSXXX, ce qui rend le nom de domaine associé beaucoup plus facile à retenir : cxapos.xxx). Cet OS est encore à une étape très basique de son développement, puisqu'il n'a pas d'architecture définie, le noyau n'est pas commencé, le système de fichier reste à choisir, la couche graphique n'existe pas, mais... mais... mais... le LOOK AND FEEL EST ABSOLUMENT SUPERBE ! Quelques captures d'écran montrent notamment "Sentence", qui va beaucoup plus loin que Word (hop un petit chat !), puisque dès qu'on appuie une touche du clavier, on voit une bulle d'aide "vous avez appuyé sur le clavier. Voulez-vous activer "Sentence" ?" - et bing un nouveau virement !
Sans compter la philosophie de CxapOS, qui privilégie les *verbes* à la manière de GNOME (et on voit à l'écran une boîte de dialogue floutée et deux boutons : "Yes I want" / "No, I don't want". Clin d'oeil évident à la présentation de Jeff Waugh d'hier.
Bref, Conway sort sous les bravos de la foule, en triomphe, saluant de deux "V" de la victoire.

J'ai ensuite tenté une petite session sur PGP : "PGP n'est pas seulement sur l'email". La première partie était intéressante, notamment la signature de documents légaux, mais dès qu'ils ont attaqué les API et autres, j'ai décroché.

A 11h35, Jeff Waugh faisait une courte présentation de GNOME et d'Ubuntu. Toujours aussi sympa, même si je connaissais la plupart des sujets traités. C'est vraiment étrange de voir ce type parler tout à fait clairement et sérieusement et tout à coup partir dans son délire et grimacer en gesticulant. Dans mon tuyau, quand même, suite aux démos, je pense que je vais prochainement titiller Beagle, Galago et F-Spot (soit dit en passant, le titre du slide était un peu limite : "Finding the F-Spot". Les connaisseurs apprécieront).

H-3 avant Cory Doctorow

Un repas sympa et une bonne discussion avec toute la bande (Simon, Jono, Paul et Jeff). Je prends une petite heure pour recharger les batteries de mon portable et rédiger quelques notes. Simon nous a tanné toute la semaine pour ses "Python Lightening Talks", et comme me le souffle Jono "si on y va pas, je crois qu'il va nous tuer". Le principe des Lightning talks et simple : chaque orateur a 5 minutes pour parler d'un sujet qui l'intéresse, d'un produit qu'il a réalisé, etc. Au bout de 4, une petite sonnette lui signale qu'il ne lui reste qu'une minute, et au bout de 5, le gong retentit, il doit s'arrêter de parler.
Même si j'ai lamentablement échoué dans ma tentative d'apprendre Python cette année, je dois dire que ces Interventions éclair m'ont gratouillé de nouveau. Et si, pour la 3° fois en deux ans, je re-tentait de m'y plonger ?

H comme Doctorow

Le moment tant attendu est là : Cory Doctorow, le chef de file de Boing Boing, le blog le plus lu dans le monde (un million de visites par mois, il me semble).
Son discours est impressionnant. Quasiment impossible de prendre des notes tant il foisonne d'idées, de réflexions, d'énergie. Il n'est pas pour autant perturbant, c'est un discours éclairé, engagé, militant, enthousiaste. Mais il est à 200 à l'heure. Il aborde le sujet du "Broadcast Flag", cette gestion des droits d'émission / réception qui a failli passer aux Etats-Unis et qui bride complètement le citoyen de son droit à l'information, de ses libertés. La prochaine cible d'Hollywood, c'est l'Europe. Doctorow nous met en garde contre les manoeuvres liberticides qui menacent à la fois les utilisateurs de programmes numériques (télé, radios) mais les créateurs de logiciels libres également. En fait, les DRM (Gestions des Droits Numérique) ne sont ni plus ni moins qu'une réécriture des droits d'auteurs à destination des grandes multinationales et des firmes dont le seul objectif est de limiter au maximum les droits des utilisateurs.
Cory termine son discours par une session Questions / Réponse du même tonneau, époustouflante de maîtrise. Je pose d'ailleurs une question qui fera peut-être l'objet d'un débat, plus tard, ici ou ailleurs : "Verra-t-on une fondation Européenne équivalente à l'EFF ?" Cory ne sait pas répondre autre chose que "On fait le maximum à l'EFF, mais ce sont aux européens de se mobiliser et de lever des fonds pour créer cette Fondation rapidement". Il existe déjà une EFF à Londres (où Cory vit apparemment la plupart du temps), mais à mon humble avis, elle ne suffit pas. Il faudrait très certainement mobiliser les gens pour fonder une EFF à l'européenne, pour défendre les libertés de tous les citoyens de l'Union.
La dernière question résume ce que je pense depuis longtemps à propos de l'Open-Source et des libertés individuelles : "What's the most important to do?"
Cory répond : "Le plus important, c'est d'informer les geeks et le non-geeks de la situation et de faire en sorte que 'ça' se sache. Dites-le à 5 personnes, qui le diront à leur tour à 5 personnes et nous rejoindront pour soutenir l'EFF."

Un tonnerre d'applaudissements salue la fin de cette Convention.
Peu après, je quitte Jeff, Simon, Jono et les autres. Zut ! Pas eu le temps de dire au-revoir à Josette et de la remercier pour tout.
Mais c'est fini.
Je prends le temps de rentrer à l'Hôtel, poser ma sacoche, repartir faire un tour en ville, me promener et acheter quelques petits souvenirs (pas fastoche de trouver des trucs pas trop ridicules). Je retrouve facilement le restaurant de Pancakes de mardi soir, dans lequel je me commande un "Jambon / Fromage / Ananas" plutôt goûtu. Avec une bière. Je me rentre.
Comatage devant la tévé.
Demain, ce sera le train du retour.