Le premier "meh"
Ven 01 mai 2009
Ce que je raconte est évidemment un compte-rendu partiel, et donc partial. Mais il est difficile de comprendre tous les tenants et les aboutissants de ce problème qui a une longue histoire... Cependant, je trouve important de rapporter les événements qui se sont déroulés ce matin, à Bayonne, pendant le défilé du premier mai, défilé "unitaire" s'il en est.
À Bayonne comme ailleurs, il y a les syndicats "habituels". CGT, FO, Sud, CFDT, etc... et puis il y en a d'autres. Des bascophones, comme LAB. Il y a aussi des partis politiques, les "habituels", et d'autres, bascophones, tous d'accord pour ne pas être d'accord sur l'avenir du Pays Basque... Comme me disait d'ailleurs une amie, dans leur nom, on trouve souvent le mot "batasuna", qui signifie "unité", en basque. L'unité, mais chacun de son côté.
Un peu comme ce fameux défilé, "unitaire" du premier mai. C'est vrai que toutes les grandes formations syndicales et politiques faisaient cortège commun ; toutes sauf LAB, dont "on" ne veut pas qu'elle fûsse partie de l'intersyndicale. Les raisons pour lesquelles LAB ne fait pas partie de cette intersyndicale sont complexes. Pour résumer la situation pour quelqu'un qui ne serait pas du coin, tout part du principe que dès qu'on parle basque, on est suspect de quelque chose. Qu'on soit coupable, ça, c'en est une autre et je me garderai bien de juger les reproches que chacun envoie à l'autre. Ce n'est pas mon propos. Pour tout te dire, quand bien même elles seraient justifiées, elles ne justifient pas à mon avis ce qui suit.
Bref. Exclu de l'organisation "unitaire", LAB avait choisi de donner un rendez-vous éloigné du rendez-vous classique. Tandis que la foule se massait Place Sainte Ursule, près de la gare de Bayonne, LAB donnait rendez-vous à ses troupes sur la place du Réduit, de l'autre côté de l'Adour. Soit.
Vers les 10h30, le grand cortège dans lequel je me trouvais commençait sa marche, sous les scrouitches des sonos crachouillantes et les slogans dont l'originalité ne s'éloigne pas vraiment du niveau de la mer. Le pont Saint-Esprit traversé, le gros de la troupe arrivait à hauteur des manifestants de LAB... Je n'étais pas en tête à ce moment là, mais je constatais avec contentement que les drapeaux de LAB s'étaient finalement joints au reste du défilé. Dans mon esprit, cela ressemblait à un symbole très fort : nous étions divisés, séparés par le fleuve, et nous nous sommes rassemblés. C'est beau comme de la poésie syndicale, ou du lyrisme de comptoir, mais ça m'a fait sourire, sur le moment.
En fait je me trompais. Le défilé empruntait les Allées Boufflers, le long de l'Adour, et une personne issue de la CGT, bien connue - je tairais son nom parce que ce n'est guère intéressant de le nommer et parce qu'en plus tout le monde saura bientôt qui est responsable de ce qui s'est passé - nous fit signe de tourner à droite, dans la rue Jacques Laffite.
Il faut savoir que les manifestants de LAB étaient engagés dans les Allées Boufflers. Nous avions donc une bonne troupe de manifestants Allées Boufflers, et une autre partie, détournée vers la droite, pour reprendre ensuite la rue Frédéric Bastiat.
POUR LA SIMPLE ET BONNE RAISON QUE CETTE PERSONNE NE VOULAIT PAS QU'ON MÉLANGEASSE "SES" MANIFESTANTS AVEC CEUX DE LAB.
Cette initiative malheureuse me désole à plus d'un titre.
D'abord, le parcours d'une manifestation est déclaré aux autorités, et il est illégal d'en changer sauf danger immédiat ou circonstances exceptionnelles.
LAB qui a une petite tendance à se victimiser trouve là une raison de plus de jouer les victimes.
Je pensais que le peuple de gauche, c'était l'ouverture d'esprit, le respect de l'autre et de ses opinions, même si elles peuvent différer. Je croyais qu'en tendant la main vers LAB, on montrait qu'on était du même côté de la barrière, face au patronnat. Après tout, LAB est un syndicat qui a gagné un certain nombre de représentants aux élections prudhommales, et avait toute légitimité dans ce cortège.
Et puis, le premier mai, c'est la fête du travail, donc, de tous les travailleurs. Qu'ils parlent basque, gascon ou français. Que je sache, personne ne m'a demandé ma carte du parti ou de mon adhésion à une organisation syndicale avant d'aller défiler. Personne ne m'a demandé pour qui j'avais voté lors de la présidentielle, la législative ou la municipale. Pas besoin d'avoir un drapeau pour défendre son bout de gras.
Je n'appartiens à aucun de ces syndicats et je n'ai pas l'intention de m'encarter. Je ne sais pas s'il faut ou pas soutenir LAB dans son combat. Je n'ai pas de rancoeur particulière contre la CGT ou ses membres. Mais aujourd'hui, ce matin, j'ai défilé sous les drapeaux de LAB, et je ne parle pas l'Euskara.
La décision de ce membre de la CGT montre une étroitesse de vision et une mesquinerie qui bat des records. Comment peut-on oser par la suite vouloir défendre "tous les travailleurs" si on fait cas de leurs opinions ? Le syndicalisme, comme la politique, c'est s'occuper de tout un chacun, sans faire rentrer les gens dans des cases et d'ignorer ceux qui ne pensent pas "comme nous". La prochaine fois qu'un syndicaleux emploiera l'expression "tous les travailleurs", repense à ce moment qui a eu lieu ce matin, à Bayonne et demande-lui, si tu peux : "même ceux qui parlent basque" ?
(PS : d'ailleurs, pour blaguer, on se demandait si, au moment du comptage, cette personne comptait tous les manifestants, ou s'il filtrait)