Le NaNoWriMo est un truc de malade mental
Dim 20 novembre 2011
Cela faisait plusieurs années que j'avais déjà entendu parler du NaNoWriMo, autrement dit en bon engliche, le "National Novel Writing Month", ou encore "Le Mois De Novembre Durant Lequel Au Lieu De T'Emmerder, Tu Écris Un Roman".
L'objectif des personnes qui participent à ce "mois" est d'écrire, du 1er au 30 novembre un roman de 50000 (cinquante-mille !) mots. Pour les amateurs de la mathématique, ça revient environ à 1667 mots par jour. Il n'y a rien à gagner, si ce n'est la satisfaction d'avoir accompli quelque chose, une oeuvre, un challenge, un morceau de bravoure.
C'est donc la première fois que j'y participe. Autant le dire tout de go, l'impression "number one" qui se dégage de ce challenge de fin d'année est :
Il faut vraiment être demeuré pour oser commencer à se faire autant violence sur un clavier (ou à la plume, mais je doute qu'il y ait beaucoup de gens qui écrivent à la plume 50k mots en un mois). Il faut être encore plus timbré pour continuer, après avoir constaté qu'écrire de la prose à ce rythme est honteusement douloureux. Et pourtant on le fait. Et pourtant, jusqu'à aujourd'hui, au moins, et pour une durée relativement incertaine, je vais essayer. Me voilà à peu près à mi-chemin de mon "nano" (25000 mots) ; oui, je sais, je suis atrocement en retard sur le planning, les 25k devant être théoriquement atteintes le 15 novembre ; malgré la loque que je suis devenu en prolongeant mes soirées ordi jusqu'à des heures inavouables, je vais essayer de m'accrocher et de terminer ce livre.
Cher lecteur du futur, si par hasard tu tombes sur cet article en cherchant des renseignements en français sur NaNoWriMo... disons... à la fin du mois d'octobre 2012 (2013 ? 2014 ?), sache que je dispose d'une petite expérience en la matière.
Alors je te livre en vrac mes notes, avis ou conseils amicaux qui pourront soit t'aider dans ton Graal littéraire, soit te persuader de ne jamais commencer cette quête. Y'a des trucs persos, et des trucs plus généraux. Fais ton choix, camarade :
- Je n'avais pas envie de tricher, aussi, j'ai profité des quelques jours précédant le 1er novembre pour mettre en place un "environnement de dév" : des scripts pour compter les mots, pousser les fichiers vers des dépôts mercurial de backups, pour générer les pages HTML simplement (j'utilise Sphinx pour gérer mon "contenu" et j'en suis très content. Non seulement je peux générer des pages plutôt propres du point de vue typo / style, mais en sus, je peux faire de l'epub). Mais je jure sur ma tête que je n'ai pas écrit une ligne du roman avant le 1er.
- Il existe une communauté plutôt sympathique de nanoteurs francophones. On trouve des forums régionaux, deux canaux IRC : un pour faire des "word-wars" - j'y viens plus tard - et un autre pour discuter à bâtons rompus. C'est sur le second que j'ai trouvé une bande de joyeux drilles assez sympathoches et d'agréable compagnie pour mes longues soirées pré-hivernales.
- Quand l'inspiration est là, que les distractions sont moindres, j'en suis environ à 500 mots en une demi-heure. Enfin... par Pomodoro, si tu préfères. Pour arriver au compte théorique parfait, il me faut donc entre une heure et demie et deux heures d'écritures par jour. Ce qui est difficilement tenable, compte-tenu du point qui suit, là, en bas, mais ne vas pas donc lire, c'est pas le moment, j'ai pas fini.
- Le "word count" ou comptage des mots peut devenir une obsession. C'est un peu ça qui me dérange dans le principe. Pour augmenter son "word count", on peut tomber dans la facilité et utiliser une périphrase quand un seul mot suffit, juste pour augmenter le compteur. Sans oublier que les inventeurs de NaNoWriMo insistent sur le fait que l'important, ce n'est pas la qualité mais la quantité. D'après eux, ceux qui participent au challenge doivent taper, taper, taper et surtout ne pas essayer de corriger ou de relire leur oeuvre pendant le mois. J'ai essayé, je n'y arrive pas. Je relis, je biffe, je lisse mon texte quand j'en suis vraiment mécontent, même si ça me fait perdre du temps et des mots.
- Si ce compte-là compte pour toi, essaie dès que possible d'être en avance. Si tu peux faire 2000, 3000, 5000 mots en une journée, fais-le, parce que tu ne sais pas si tu pourras garder ce rythme moyen sur la durée.
- Il faut par conséquent aborder le sujet des "word wars". À heures fixes, les nanoteurs se donnent un top départ et tapent, tapent, tapent, tapent jusqu'à la fin de la session et comptent leur mots ajoutés. Je trouve ça désespérant. Ça fait quand même concours de celui qui pisse le plus loin. Ou du plus gros mangeur de gâteau basque à la cerise en un temps record. L'écriture, pour moi, ce n'est pas réduit à une sorte de course à la "rentabilité" ou une paire de chiffres qui augmentent comme les cours de la bourse. Revoyez le film "Le Cercle des Poètes Disparus" et surtout la scène où le Professeur Keating démolit l'introduction à la poésie de M. Evans J. Pritchard, qui classe les sonnets dans un graphe à deux axes. Word wars, très peu pour moi, merci...
- D'ailleurs, je me rends compte que le livre que je suis en train d'écrire ne peut pas se réduire à un nombre de mots, ni cinquante-mille, ni cent-mille. J'imagine qu'au lieu des deux cents pages théoriques, il faudrait plutôt 400 ou 500 pages, pour aller au bout de l'idée. Les 50k en trente jours représentent une trajectoire rectiligne, mais c'est un peu comme en voile. On peut faire moins, on peut faire plus, on peut prendre son temps, on peut foncer.
- [AJOUT du 20 nov. 10h54] Il m'est arrivé de me sentir un peu vidé, et de ressentir l'envie ou le besoin d'écrire, mais d'écrire autre chose. C'est un sentiment assez ambivalent, qui combine la fatigue d'écrire, et l'envie d'écrire. Je pense que c'est normal. Il est d'ailleurs assez sain de lâcher le clavier totalement à ce moment-là. Ou si on veut, d'essayer de tapoter, à un rythme tout à fait apaisé, un texte sur le sujet que l'on veut, et dans les conditions que l'on veut. Une sorte de respiration dans l'inspiration.
Mais j'en viens au plus important :
Concilier vie professionnelle, vie de famille, vie sociale et un NaNoWriMo est insensé. Pour être dans des conditions idéales, il faudrait être un ours isolé au chômage dans une casemate éloignée de tout. Mais il convient de trouver ses priorités. Pour ma part, même si ça a en quelque sorte "coûté" un retard conséquent dans mon compte de mots, je n'ai absolument pas regretté de ne pas avoir changé mes priorités. Je suis en retard ? Tant pis. La vie professionnelle, on doit l'assumer. La vie de famille et les amis, c'est au moins aussi prioritaire, voire certainement plus. Je préfère passer du temps avec les gens que j'aime. Personne ne m'obligera à terminer ce roman avant le 30 novembre, et ma vie n'en dépend pas. Si j'y arrive, j'en serais très content. Si j'arrive à me motiver après le 30 pour le terminer et le donner à lire à ceux qui voudront bien, ce sera bien aussi. Mais sacrifier mes priorités personnelles pour cette oeuvre, non.
Le nano vient après et c'est tant mieux.