Hiriburutar / Saint-Pierrot
Lun 29 octobre 2012
C'est officiel depuis dimanche. Nous avons en notre possession les clés de notre future maison. D'ici un gros mois nous aurons déménagé pour Saint-Pierre d'Irube. Nous deviendrons Hiriburutar, ou Saint-Pierrots. Les deux me sont aussi agréables à l'oreille.
Donc, on est aussi fauchés que de nouveaux propriétaires peuvent l'être. Mais c'est une bonne chose.
Si je fais un grand bond en arrière, à mon arrivée à Bayonne, en janvier 2000, je n'imaginais même pas le parcours qui m'a amené jusqu'ici. La trajectoire s'infléchit aujourd'hui, et je quitterai bientôt ma ville à regrets. Bayonne m'a recueilli et a pris soin de moi pendant les jours les plus sombres de ma vie. C'est une ville attachante, et elle restera ma ville de coeur, celle qui m'a vu prendre mon envol, qui aura vu mes turpitudes et mes errements, pour déboucher sur la lumière.
Certes, Saint-Pierre est à une bordée de canons de notre vieille capitale Labourdine, et on ne peut décemment pas parler d'un exil. Mais j'aimais le fait de pouvoir glisser mes clés dans ma poche, sortir de chez moi, choisir d'aller à droite ou à gauche et d'être déjà au coeur de ma ville.
J'ai aimé flâner en tapant le pied sur ses pavés usés. J'ai aimé me perdre dans ses rues étroites, ombragées. J'ai été émerveillé par les embrasements des quais de la Nive, par les changements impétueux de son cours. J'ai humé l'air du matin frais, senti la brume glisser entre les piles des ponts.
Dans cette ville, je n'ai pas toujours opté pour le chemin le plus court.
Et j'ai eu raison.
Il faut aimer surprendre Bayonne autant que se faire surprendre par elle. En levant le nez, en sortant de la routine des longues avenues de la banalité, on tombe sur un détail chatoyant, une inscription cryptique, un paire de fenêtres de guingois, un balcon qu'on avait pas vu, trop absorbé par ses pensées.
Bayonne se contemple, de loin comme de près. L'Adour est une perspective. Il entre en ville, fait son chemin, fluctue en saluant l'Hôtel de Ville et file, dédaigneux, vers l'Océan. Et parce qu'il lui semble qu'on ne l'a pas assez vu, il profite de la marée montante pour refaire son entrée, dans l'autre sens. Peut-être que la gouaille bayonnaise vient de son fleuve, qui aime tant faire le fanfaron.
Malgré leur masse imposante, les remparts ont perdu de leur superbe. Ils se sont faits mousse et ne menacent plus personne. Ils sont comme un vieux cabot qui aboie mais n'a plus de dents pour mordre. Ils caressent les rues pour leur donner cette forme si lascive. La rectitude est tellement ennuyeuse.
Mais ce sont les flèches de sa cathédrale qui resteront mon pôle magnétique. Si on les voit, c'est qu'on y est presque. Quand on ne les voit plus, c'est soit qu'on y est, soit qu'on est trop loin d'elle. Et quand on les devine sans les voir, c'est qu'on est chez soi.
Même si la distance est minime, je suis nostalgique. Ça m'emmerde de l'admettre, mais je ne peux pas mieux faire.
Ne t'inquiète pas, vieille amie... Je reviendrai, en visiteur, te chatouiller les pavés, te secouer les perspectives, te refléter les rivières, te saluer, de loin et de près.
Tu veilles. Je te vois. À bientôt.