Pourquoi je lis Larcenet

Jeu 27 mai 2004

L'affection du sieur Alzheimer me touche tous les jours un peu plus. Il m'arrive trop souvent de voler aux riches sans plus me souvenir à qui je dois donner le pognon...

J'adore Manu Larcenet. Depuis ce jour béni de je-ne-sais-plus-quelle-année durant lequel mon meilleur ami, Jérôme (Jej), me montre la couverture du premier album de Larcenet, "Soyons Fous".

Je retourne l'album pour lire la quatrième de couverture, (je le fais toujours - ça et lire les dernières lignes d'un livre avant de le commencer) et je vois deux statues de l'île de Pâques. La première fait "On va en boîte ?". L'autre répond "Bof".

J'explose de rire. Impossible de m'arrêter. J'en pleure même.

Depuis, je n'en loupe pas un. Chaque fois que je repère son nom sur une couverture, que je devine son trait sur un dessin en librairie, je ferme les yeux, je regarde même pas l'étiquette du prix et je fonce.

C'est une explosion d'absurdités (Blanche-Neige maman de l'expert comptable de la jungle, Starsky et Freud, Copernic cosmonaute, Robin des Bois victime d'Alzheimer...).

Ce sont deux gamins sauveurs de l'Humanité dans un futur science-fictionnesque (Les cosmonautes du futur).

Ce sont des super-héros dont tout le monde se fout (Super-Scientifique-Man, Super-Maçon).

Ce sont des gens simples qui tentent le déménagement à la campagne (Le retour à la Terre).

Mais c'est aussi un profond désespoir masqué.

Si tu as le blues, ne lis pas les ouvrages parus chez "Les Rêveurs de Rune". "Presque", "Dallas Cowboy", "l'Artiste de la Famille". Ces albums en noir et blanc sont comparables aux "Idées Noires" de Franquin. Poésie et mélancolie. Baudelairien, presque.
Presque.
Presque.

De même, "Le Combat Ordinaire", pour lequel il a reçu le prix du meilleur album du festival d'Angoulême 2004, aborde des thèmes graves. Le tome 2 est encore plus profond, on y croise la maladie et la mort, la peur du chômage pour les ouvriers, le landernau cuculturel parisien.

L'album qui résume le plus l'équilibre entre la noirceur de ses états d'âme et la drôlerie de son imaginaire, c'est "La Ligne de Front".

Que dire de "La ligne de Front" ? C'est la guerre, la boucherie de 14-18, vue par Vincent Van Gogh (miraculeusement mort). Ca déstructure la palette chromatique autant que les obus déchirent les corps des poilus. Et pendant ce temps-là, les politiques fument le cigare en se demandant : "mais pourquoi donc ces soldats refusent-ils le combat ?".

Pour en savoir plus :