De l'anglais comme langue de l'internet

Mar 18 avril 2006

[Grâce à MrTomlinux]

Je voudrai également ajouter que la langue française est parlé dans le monde par 'seulement' 285 millions de personnes. Certaines d'entre elles parlent une autre langue, comme moi. D'autres non. J'écris un blog en français pour celles-ci et ce n'est pas quelque chose que j'ai l'intention d'arrêter.
Je suis très heureux de pouvoir te dire, dans ta langue, ce que je pense de ton commentaire. De plus, je suis encore une fois très heureux que tu sois né avec la langue la plus utilisée du monde au fond de la gorge.

Deux-cent-quinze-mille-milliards de fois d'accord avec MrTomLinux. A l'origine de ce post plutôt bien enlevé, un fâcheux qui n'appréciait pas que certains blogueurs du Fedora People Planet postent dans leur langue maternelle plutôt qu'en Anglais. Ce fâcheux est évidemment un gros fâcheux et la correction de MrTomLinux relève de la plus grande sagesse, puisqu'il ne répond pas à l'agression (stupide) avec agressivité.

Maintenant, j'aimerai en rajouter une couche. Un mot, seulement - et Anglais, de surcroît : Planet.
Ben oui, Sane. C'est une planète, la grosse chose rondouillette légèrement aplatie aux pôles, vaguement bleue comme une orange. Et il faut savoir que sur les quelques milliards de personnes qui transitent plus ou moins confortablement sur ce bus bleu (comme une orange), plus de 80% n'ont pas accès à l'internet. Et il faut bien admettre que si l'Anglais est la langue la plus courante sur l'internet, elle est très minoritaire. On estime que 35.8% des internautes sont Anglophones... Ce qui donne 64.2% de gens QUI NE LE SONT PAS.
Je pense que c'est déjà en soi une raison suffisante pour comprendre que parmi les gens qui utilisent Fedora, certains n'ont pas l'anglais comme langue maternelle.

Planet... Oui, Planet Fedora, Planet Debian, Planet Ubuntu, Planet GNOME, Planet KDE, Planet Perl, Planet Je Sais Pas Quoi... Les gens qui contribuent à ces "planets" viennent des quatre coins de la boule aplatie aux pôles, de toutes les cultures... Il n'y a pas que des ressortissants Etats-Uniens ou de l'Empire Britannique dans leur rangs. GNOME est un projet né dans les têtes de deux Hispanophones, les Mexicains Miguel de Icaza et Federico Mena. KDE a été initié par Mattias Ettrich, un allemand, le langage Python par Guido Van Rossum, un Hollandais, PHP par un Canando-Danois, Rasmus Lerdorf, MySQL a été cofondé par un Finlandais.
La liste est longue. Mais rien que pour les outils les plus répandus sur la toile, les logiciels libres les plus courants, on compte pas mal d'inventeurs "non-anglophones de naissance". Bien sûr, Apache, Perl, Google... Tout ça, c'est du made-in-US. Le WWW, c'est Sir Tim Berners-Lee, sujet de sa très gracieuse majesté.

J'ai la chance de me débrouiller correctement en Anglais. Il n'en va pas de même pour tout le monde. Il est évident que cette Lingua Franca de l'internet a d'immenses avantages : un code ou une documentation écrite par un Finlandais pourra être lue par un Argentin à l'autre bout du globe (recouvert à 75% d'eau) sans avoir à se contortionner avec les lamentables outils de traduction automatique. L'anglais sur le web est la langue du partage des connaissances, de la communication, du travail collaboratif. Mais seulement du travail, oserai-je dire... On le parle "entre initiés". On n'ouvre les portes de la communication qu'aux Happy Fews qui ont eu la chance de pouvoir apprendre l'anglais et la capacité. Je connais plein de gens qui ne le parlent pas, et qui ne le parleront jamais.

Faut-il revenir au temps des obscurantismes les plus sombres et ne réserver la connaissance qu'aux nantis ? Faut-il réserver l'utilisation des logiciels libres qu'aux seuls anglophones ? Ce post de Sane m'a renvoyé quelques années en arrière, alors que je commençais à m'initier aux Logiciels Libres et que je militais pour l'utilisation de Mozilla auprès de mes copains... "C'est touhenanglé" était une des réflexions les plus désarmantes. J'avais beau avancer la stabilité, la sécurité, la navigation par onglets, la rapidité, le fait qu'il soit open-source... rien n'y faisait. L'argument massue de la barrière linguistique effaçait tous les autres avantages énoncés.
Quand Mozilla / Firefox est enfin sorti en version FR... Ca a carrément déferlé. Les utilisateurs ont enfin pu goûter aux joies du surf sur un vrai navigateur.

Et quand j'ai commencé à militer pour Linux et ses distributions, le même argument m'est retombé dessus, de temps en temps. Heureusement, les équipes de traduction et d'internationalisation travaillent d'arrache-pied pour fournir les meilleures trads possibles dans des temps record.

Linux en Français. En Basque, en Italien, en Espagnol, en Wolof, (en Truëllik ?)... Plus d'excuse pour ne pas s'y coller : la doc est traduite, les équipes locales postent des tutoriaux, des documentations "pas à pas", on peut voir des forums extrêmement bien fréquentés fleurir, dans toutes les langues du monde (dont le diamètre est à peine 1/50° de celui du soleil).

Pour l'information comme pour la diffusion et l'utilisation des outils informatiques, nous devons y participer dans la langue que nous maîtrisons le mieux. Celui qui peut écrire en anglais, qui peut participer en codant, en rédigeant des documentations, qu'il le fasse... Celui qui peut traduire les applications ou ces mêmes documentations de l'anglais vers une ou plusieurs langues, qu'il le fasse. Celui qui peut écrire un billet sur son blog, dans sa propre langue, qui peut convaincre, ne serait-ce qu'une personne, de cesser d'utiliser des logiciels propriétaires, qu'il le fasse aussi.

Si on ne se cantonnait qu'à l'anglais (jeu de mot non intentionnel), comment ferait-on pour informer les milliards de gens qui ne savent pas l'anglais ET QUI NE LE SAURONT JAMAIS ???
La Lingua Franca n'est pas synonyme d'uniformisation ou de globalisation de la culture, c'est un simple outil qui permet de faire passer des idées par delà les cultures, qui les traverse sans les dénaturer.

Comme un fleuve, la langue commune traverse les pays et les fertilise ; et sur cette terre peut pousser n'importe quelle autre culture, enrichie par ce que charrie le fleuve. L'anglais ne peut pas être une prison, c'est une ouverture sur le reste du monde, qui ne peut pas ET NE DOIT PAS remplacer ce qui fait de nous des citoyens du monde : notre propre identité, et le jardin dans lequel nous aimons la cultiver.