Soupe-alphabet

Lun 15 décembre 2008

Dans les pâtes-alphabet, il y a une bonne dose de souvenirs d'enfance. Grâce à ces petites lettres - dont la typographie reste à déterminer - des armées de parents ont réussi à faire avaler les mégalitres de soupe à des générations de monstres désireux de conserver leur taille. Malgré leur mantra (non je ne veux pas grandir), et invoquant l'exceptionnelle permission de pouvoir jouer avec la nourriture, certains ont même succombé à la tentation, et s'en délectent passé la trentaine.

C'est vrai que c'est amusant. Si on a une assiette à soupe aux rebords suffisamment larges et plats, on peut écrire son prénom, ou des gros mots.

Mais le pâtes-alphabet, c'est un tas d'énigmes. Dans un paquet de pâtes-alphabet, il y a vraisemblablement de quoi écrire des pages entières de récit (à condition d'avoir une machine à écrire particulièrement délicate, même si les pâtes sont al dente). Peut-être bien que la somme complète des articles de ce blog est contenue dans un paquet.
Peut-être aussi que les oeuvres complètes de Rimbaud sont là, en vrac. Peut-être qu'on peut écrire les Fleurs du Mal, ou traduire Ulysses en klingon à l'aide d'un paquet de pâtes-alphabet.

Je me demande aussi s'il existe dans le monde un paquet de pâtes-alphabet dans lequel il n'y a pas de "E". Une sorte de pâtes-lipogrammatique en "E". Ou alors il y aurait un paquet dont les seules voyelles seraient de "E".

Peut-être aussi qu'il y a un dictionnaire français. Ou un dictionnaire de mots qui n'existent que dans l'imagination, ou d'une langue que personne n'a jamais parlé et ne parlera jamais.

Peut-être qu'en fait, il n'y a jamais que le strict nécessaire pour forcer les enfants à manger leur soupe avant qu'elle ne refroidisse.