Le chemin le plus long

Sam 16 juillet 2011

Profitant d'une brève période de célibat momentané (pour le week-end), et sachant que mon dimanche serait chargé, j'avais décidé de me faire une petite virée dans Bayonne pour ce samedi après-midi.

Petit snack en bonne compagnie pour commencer, et vers les 15h, je laissais mon repaire à bon café derrière moi pour une promenade sans but ni envie particulière. La météo nous proposait de la pluie, mais il est bien connu qu'en matière de météo, la côte basque fait souvent s'arracher les cheveux du plus pointu des prévisionnistes.

Quel belle sensation que d'arpenter les rues certes chargées, sans être bondées, et d'y croiser quelques figures fugaces de touristes paumés, d'une petite fille aveugle au bras d'une amatxi, d'un ancien voisin de la rue des Tonneliers qu'on salua d'un "adio, au plaisir" aussi naturel que sincère, d'une famille d'anglo-américano-autralomachins qui disent "gracias" à la patronne du café, d'un homme en apparence très digne qui photographie son assiette, d'un allumé qui demande des volontaires pour une chasse au dahut... Telle est ma ville.

Au fil des rues, on alterne : le moderne et l'ancien, le populacier piéton et le désert de pavés, l'immeuble en voie de désintégration et la rue trop commerçante pour inviter à la halte. Je montais et descendais les lentes pentes de la cathédrale. Je bifurquais par une rue parce qu'elle donnait prise aux courants d'air. Je prétextais avoir besoin d'un couteau pour repartir dans une autre ruelle. Mais de couteau, il n'y en avait pas. Il n'y avait qu'une autre raison de redescendre au gré du courant, tournant le dos au soleil, levant le nez vers une Ici vécut quelqu'un qui méritait qu'on lui érige une plaque sur le mur d'un immeuble aussi âgé que le chien qui dort devant.

Puis j'avais soif. J'avais le choix, rue Port-Neuf, d'opter pour un troquet. Ils m'étaient tous inconnus et après avoir vu le prix de mon demi-citron, je comprenais pourquoi. Le verre étancha ma soif, heureusement. Il était temps de rentrer.

Et comme il était temps de rentrer, je me rendis compte que mes pas m'éloignaient de l'Adour, et donc de ma chaumière. J'avais beau tenter un virage stratégique pour redresser le cap, je me trouvais systématiquement de plus en plus loin de mon arrivée. Ça confinait même au ridicule quand je passais par la poterne pour déboucher dans son parc.

Le constat était accablant. Je pensais qu'en quittant le vieux Bayonne et en traversant l'Adour je rentrerais chez moi, alors qu'en fait j'y étais déjà. Alors je me laissais aller, pour de bon, sans plus opposer de résistance. À quoi bon ? Bayonne est définitivement une ville dans laquelle il est bon de marcher. Cette ville te prend et t'attrape. Dès lors, ton coeur bat au rythme de tes pas, pour la perspective de la Nive, pour le jeu de cache-cache avec les flèches de la cathédrale, pour l'alternance d'ascensions et de descentes, pour les places discrètes que le distrait n'a pas vu et que toi, tu sais.

Telle est ma ville.

Merci de bien vouloir t'essuyer les pieds en y entrant, et de la laisser dans le même état que celui où tu l'as trouvé en arrivant.