La Cité des Jarres

Mar 26 mars 2013

J'ai dû lire le livre il y a 4 ou 5 ans, alors qu'Arnaldur Indriðason et son enquêteur Erlendur étaient assez méconnus dans le paysage polar français. Autant le dire de suite : si j'ai acheté ce polar, à l'origine, c'est uniquement parce que son auteur était Islandais (oui, je peux te le dire, si tu ne le sais pas déjà, l'Islande et moi vivons une histoire d'amour à distance depuis une vingtaine d'années).

Autant le dire, une fois qu'on a lu la Cité des Jarres, on n'a qu'une envie : enchaîner sur les autres. La Femme en Vert et surtout, mon grand préféré, La Voix, ont fini ma conversion. Oh, après, bien sûr, Erlendur est un peu plus devenu à la mode, et le polar Islandais a vécu un nouvel essor (Arni Thorarinsson est un cas tout à fait remarquable et les aventures de son journaliste Einar offrent un éclairage absolument indispensable si on veut essayer de comprendre l'Islande moderne). Même si le lectorat français a découvert un peu tard l'existence de la littérature nordique (sans casque à cornes), je ne boude pas mon plaisir. L'Indriðason de l'année est un crû à déguster. Bien frais.

Reste le film. Je n'avais pas eu la chance de le voir à sa sortie en salle. Arte m'a permis de le voir, en différé, enregistré sur ma Freebox. Et, chance supplémentaire, j'ai pu le voir en version originale sous-titrée. Bon, c'est pas pour me vanter, mais j'ai quasiment rien compris des dialogues (à part quelques mots racine que j'ai pu glaner ici ou là). Ce que je voulais, c'était le son de leurs voix. Entendre vraiment l'acteur, son visage, son physique, le son pris dans le vent et le froid de Thulé, pas celui d'un acteur bien au chaud dans un studio de doublage.

Le film est rondement mené. Il alterne très bien les moments-clé de l'enquête avec ceux, plus banals de la vie de ce commissaire un peu usé par les ans, malmené par les frasques de sa fille et qui se mange sa tête de mouton, acheté dans un "drive", tout seul assis sur son canapé, en fumant sa clope (on sent presque l'odeur âcre du tabac dans ces moment-là). Les personnages sont incarnés avec une grande justesse.

Y'a quand même deux petites choses. En tant que lecteur, bien sûr, je m'étais fait une image mentale des divers protagonistes : certains acteurs ne leur ressemblent pas du tout. Je voyais Elinborg plus fluette, et Erlendur moins sec et moins grand. Sigurdur Oli est à peu près conforme à l'idée que je m'en faisais. Quant à l'actrice qui joue Eva Lind, elle a un physique beaucoup trop lisse et pas assez dévasté par la drogue qui la ronge à mon goût. Mais il faut dire qu'à ce niveau du cycle d'Erlendur, elle n'a pas encore touché le fond.

Il y a beaucoup plus "grave" : il manque une dimension essentielle au personnage d'Erlendur, qui est fondamentale et qui ne peut pas être passée sous silence. La perte de son frère. Erlendur a perdu, enfant, dans le blizzard, le frère qui lui tenait la main. Pratiquement avalé par la terre, sa disparition reste une mort sans corps. Cette blessure est l'élément crucial dans la construction du personnage d'Erlendur. Tout ce qu'il fait, l'acharnement avec lequel il fouisse dans les tréfonds de ces crimes souvent malsains, la fascination qui le brûle quand se présente une affaire de disparition, tout ce qui fait Erlendur est lié à ce deuil.

Reste que le film est très regardable. Et qu'il donne encore plus envie d'aller à la recherche de la littérature noire Islandaise. En attendant d'avoir l'occasion de fouler du pied la poussière des volcans.