Des jeux, des jeux ! (I)

Dim 02 août 2015

Les derniers mois ont été placés sous le signe du ludique, du jeu, de la retombée en enfance (qui a dit nostalgie ?)...

Y'en a tellement que ce sera une série de deux articles.

Commençons par FU. Il y a quelques mois de cela, je re-découvrais le jeu de rôles FU, publié sous licence libre (CC-BY). J'avais téléchargé le PDF et lu, puis relu, puis remis sur la pile des "jeux qui sont vachement bien, mais bon, y'en a sûrement d'autres".

Et en le redécouvrant, je me suis surpris à vraiment apprécier ce petit morceau de bravoure : en quelques pages, Nathan Russel détaille toute une palette de conseils sur le jeu de rôle en général, comment démarrer une partie, quelles sont les questions à poser et à se poser pour que toutes les personnes autour d'une table prennent plaisir à jouer. Tout y est limpide, didactique, et probablement applicable à tous les jeux, qu'ils soient narratifs ou pas. La base de tout, c'est le dialogue : tout part d'une discussion, d'un échange entre le Narrateur et les joueurs ou même entre les joueurs. Cette priorité au dialogue et la "marque de fabrique" de FU.

Ensuite, le système de résolution de FU est d'une simplicité et d'une élégance stupéfiante : les avantages et les obstacles s'équilibrent, on jette les dés en posant une question fermée (oui ou non) et on interprète les résultats en un clin d'oeil. Parce que c'est le joueur qui choisit la question, cela ouvre la porte à la simplification ou une plus grande densité ; les questions "est-ce que je tue mon ennemi ?" ou "est-ce que je remporte le combat ?" sont en apparence similaires, mais en fonction du résultat des dés, peuvent occasionner une issue complètement différente et un rebondissement dans l'action qui pourra surprendre les joueurs et/ou le meneur.

Pour toutes ces raisons et pour d'autres encore, j'avais entrepris de traduire FU en français. La licence CC me le permettait déjà, sans avoir besoin de demander à l'auteur. Ayant fini, j'ai publié cette traduction via gitbook, laissé le code source disponible sur Github. Gitbook est un service assez remarquable, puisqu'il permet, en un tournemain, de transformer une suite de documents Markdown en format HTML, PDF, ePub, mobi. Le résultat était plus que satisfaisant en ce qui me concernait. J'ai publié sur quelques forums et twitter le résultat de mes travaux, en demandant aux relecteurs de me renvoyer leurs corrections.

Quelle ne fut pas ma surprise d'être contacté par Michel Chevalier, des éditions Stellamaris, qui me proposait de publier FU RPG en version française, en vrai morceau d'arbre mort. Après quelques hésitations, le projet fut lancé sur la plateforme Ulule et couronné de succès : 153 contributeurs ont souscrit au moins un exemplaire du livre, qui sera imprimé courant 2016.


Un concours avec comme contrainte d'écrire un jeu de rôle en moins de 200 mots avait été lancé par David Shirudans au mois d'avril dernier. Quelques propositions étaient proprement stupéfiantes. En mon for intérieur, je me demandais si c'était possible en français. Je balayais rapidement cette hypothèse.

Et au mois de juin, badaboum, le site Scriiipt mettait justement en route un concours similaire : écrire un jeu de rôle complet, en français, en moins de 250 mots. Ça a dû faire chtak-boum là-dedans, puisque je me suis lancé rapidement dans l'écriture de ce qui deviendra jeu d'troll. En 248 mots, j'avais composé cette petite bravade ; un jeu sans dés, "mono-classe" puisque tous les personnages sont des trolls, donc bêtes et méchants, avec un vocabulaire limité, une arithmétique poussive et uniquement aptes à taper et se mouvoir.

Ça m'avait fait bien marrer de l'écrire, de rogner où c'était possible pour gagner quelques mots, de rajouter des éléments de background, etc. La concision est une contrainte et l'écriture à contraintes, ça me fait toujours frétiller. Bien sûr, en moins de 250 mots, pas facile de faire un colophon :

  • si le jeu est écrit en "langue troll", c'est pour plusieurs raisons. Premièrement, ça donne de l'ambiance (et l'ambiance, c'est capital pour ce genre de jeux, il me semble). J'ai probablement été inspiré par Pirates !, dont les règles sont écrites dans un style détendu et "comme si j'étais un pirate". Pour jeu d'troll, j'ai appliqué le même principe : c'est un troll qui explique les règles. Ensuite... j'ai presque honte de le dire, mais écrire en langue troll m'a fait gagner des dizaines de mots sur le décompte final. S'il avait fallu écrire dans un français impeccable, le jeu aurait certainement fait le double de sa taille actuelle.
  • La mécanique "diceless" est un peu livrée au pifomètre, le nombre de pierres de départ (4) ; elle est vaguement inspirée de Lady Blackbird. Dans ce jeu de John Harper, chaque fois qu'un jet est un échec, le joueur gagne un dé supplémentaire ; et à chaque réussite, les dés qu'il a engagé sont défaussés. Ça crée une sorte de déséquilibre permanent : un personnage qui réussit aura d'autant plus de chances d'échouer, alors qu'un poissard aux dés aura de plus en plus de chances de réussir les fois suivantes. Dans jeu d'troll, le joueur qui réussit ne perd qu'une pierre et n'en gagne qu'une en cas de réussite. Cette partie est à la fois le côté le plus "zen" du jeu et en même temps mon gros point de doute : est-ce que c'est jouable ? est-ce que l'équilibre est suffisant entre l'échec et la réussite pour que les joueurs ne soient pas écrasés par le système de résolution ?
  • Autre point très noir : l'absence totale d'illustration. Mais je suis un gros manche en dessin et je ne me sentais pas du tout capable d'illustrer et correctement mettre en page le jeu avec des encadrés, etc.
  • Il a été très gentiment relu par Sobe TBT, Pak Cormier, Jean-Michel Armand. Leur soutien et leurs suggestions ont été extrêmement utiles, qu'ils en soient remerciés.

Je profitai d'un petit éclair d'inspiration supplémentaire pour soumettre un second jeu : Stagiaires. Beaucoup plus cynique, un peu classique. J'étais assez satisfait de moi, mais quand même beaucoup moins que pour jeu d'troll.

Et puis... le concours était clos. Près de 80 propositions avaient été envoyées, certaines me faisaient verdir de jalousie. Les résultats se firent attendre. Et, jeudi dernier... il s'est avéré que jeu d'troll avait le troisième prix ! !

Je suis hyper-content. Cette troisième place me conforte dans mon intuition : jeu d'troll a un potentiel. Dans la constellation jeu d'troll, on trouve :

  • le site "officiel", avec la dernière version,
  • le code source est disponible sur Github. C'est d'ailleurs un canal d'information sur lequel tout un chacun peut m'adresser ses remarques, suggestions et encouragements,
  • On peut suivre le compte twitter @jeutroll,
  • On peut aussi m'envoyer un e-mail à bruno+troll arobase jehaisleprintemps poing net,
  • J'ai entamé une extension, appelée re-troll, elle est disponible sur le site, et nécessite sûrement des améliorations (règles supplémentaires optionnelles, suggestions... pour me contacter, voir ci-dessus).

Si j'avais un souhait : ce serait que des rôlistes s'emparent de ce JDR, y jouent et veuillent bien me faire toutes les remarques qu'ils estimeront nécessaires.