Je suis la dette

Dim 26 mars 2017

Cette séquence vidéo qui démarre à 48'40" - est édifiante.

Je pense être comme beaucoup de citoyens, amenés à se prononcer prochainement pour la Présidentielle de 2017. Et je vois, comme beaucoup sans doute, s'amonceler les nuages noirs, l'orage gronder, le scrutin triste, à l'image de la campagne où il est question de tout, sauf du devenir des habitants qui devront être dirigés par le candidat ayant reçu le plus de bulletins non-nuls (même pas dans la poire, en plus, les traditions se perdent).

Je ne sais pas pour qui voter. Parce qu'aujourd'hui, j'ai le choix entre :

  1. des gens qui ont un programme, l'appliqueront, et contre lequel je suis de toute mon âme,
  2. des gens qui n'ont aucun programme, si ce n'est de continuer à jeter de la poudre aux yeux,
  3. des gens qui ont un programme qui pourrait me plaire, mais dont je doute qu'ils l'appliqueront.

J'aurais bien aimé pouvoir me désinscrire des listes électorales, pour ne pas être complice de cette farce, mais j'ai cherché, on ne peut pas.

François Fillon, invité de L'émission politique, a rencontré des personnels soignants et administratifs d'une maison de retraite médicalisée. Les infirmières lui parlent de cadence de travail, de pénibilité, de qualité de vie. La réponse tombe comme une brique dans un pot de peinture. La dette. Les finances publiques, etc. Il montre là, plus encore que dans n'importe lequel de ses discours de meetings, plus encore que dans ses interviews lénifiantes où le journaleux lui permet de vendre sa soupe et d'y noyer le poisson, il montre là son idéologie. C'est largement pire que les petits arrangements entre membres de sa famille et la République (il faut être un peu naïf pour penser qu'il est le seul à en être coupable, c'est systémique, et bien au-delà des clivages droite/gauche...).

Le fric, le chiffre, l'Euro, les sous, le pognon, la gestion comptable au-dessus de tout, au-dessus des humains, au-dessus des malades, de leurs familles, au-dessus des souffrants, des faibles, des indigents, au-dessus de leur vie, du prix qu'elle vaut. L'argent, l'argent, l'argent, l'argent.

Pour un homme qui se dit chrétien et qui est soutenu par des tenants "pro-vie", c'est honteux. Pro-vie ? Mais quelle vie ? Celle qui fait trimer la plèbe pendant que Madame va en cure au frais de la princesse ? Celle qui épuise, abrutit, déglingue les corps et les esprits des soignants pendant que la haute oligarchie se repaît des profits ? Celle qui amenuise les chances des malades en fonction de leurs revenus ?

Un personnel de santé épuisé, c'est plus de maltraitance. Oui, hélas, les patients seront mal traités, parce que les erreurs professionnelles augmentent avec la fatigue, l'épuisement. Il y aura plus de maladies nosocomiales, plus d'erreur de diagnostic, des soins administrés moins vite et moins efficacement.

Et ces infirmières, de nuit et jour, qui triment pour des salaires de misère en regard de la valeur des vies qu'elles sauvent, qui seront carbonisées après 20 ans de carrière, sans espoir d'obtenir un jour un poste plus reposant, que deviennent-elles ? Leur dette à elle, c'est la dette du sommeil, de la vie de famille. Ah ça, tu l'aimes la famille, François, hein, tu l'aimes ! mais pas la leur, tu aimes la famille des gens bien nés, pas des manants qui tiendront ta sonde urinaire quand tu iras de mal en pee.

Réfléchis bien, citoyen, quand tu iras voter pour lui, réfléchis. La prochaine fois que tu iras te faire soigner et rembourser par la sécurité sociale. La prochaine fois que tu accoucheras dans un hôpital public, la prochaine fois que le petit dernier devra aller aux urgences après s'être viandé en vélo. Souviens-toi, souviens-toi : François Fillon ne te veut pas de mal... Il ne veut juste pas qu'on te soigne. Il te préfère en mauvaise santé, parce qu'en mauvaise santé, tu n'es pas de la dette. En mauvaise santé, tu te rapproches de la tombe ; en mauvaise santé, tu deviens une ligne de moins dans son sacro-saint livre de comptes.

Tu n'es pas malade, tu incarnes la dette. Si tu es en bonne santé, grand bien te fasse ! Alléluia ! tu vas pouvoir produire encore et toujours, pour alimenter grassement sa balance commerciale adorée, celle sur laquelle il se paie. Mais ne tombe pas malade ! Erreur ! Alerte ! Malade tu deviens pestiféré. Un gros compteur flotte au-dessus de ta tête avec ce que tu coûtes. Mais ce grand compteur, où était-il quand tu rapportais ?

Regarde qui tu es pour lui REGARDE ! tu es du PASSIF ! Tu n'es même pas humain, tu n'est qu'une suite de sommes d'argent.

C'est tellement IGNOBLE d'ignorer ce qu'une personne en bonne santé, qui a le moral, qui ne s'en fait pas pour son avenir ou celui de ses proches, peut faire pour le pays et le monde entier. Où est-elle, cette statistique, dans l'esprit de ce candidat abject et détaché de toute humanité ? Quand on est heureux on produit plus, on consomme, on vit, on aide, on ouvre sa porte et ses oreilles aux rumeurs du monde. On arrête de penser à ces gros nuages noirs comme des menaces, on voit derrière eux les scintillements des étoiles et les cieux plus hauts, bien plus hauts que ces chiffres imbéciles qui remplissent les colonnes débit/crédit, froides, ineptes, grises.

Prie ! Prie ton dieu ! prie autant que tu peux, au moment du jugement dernier auquel tu crois, de quel côté penses-tu qu'il mettra ton livre de compte ?